Ce billet donne quelques repères sur l’évolution du dessin de la trace à la représentation.

 

Le dessin évolue en fonction de l’expérience du dessinateur, c’est pourquoi il est hasardeux d’isoler des stades avec un âge moyen auquel tous les enfants devraient avoir franchi la même étape. Mais il est possible de décrire une dynamique qui est partagée par la plupart des enfants.

L’évolution du dessin a été décrite par Henri Luquet dans  » Le dessin enfantin » de 1927, dans lequel il propose une théorie des stades. Cette théorie a été ensuite mise à l’épreuve par Wallon et Lurçat dans leur étude sur le dessin publiée dans la revue Enfance en 1957.

 

Des premières traces au graphisme élémentaire

Les premières traces apparaissent au moment du stade sensori moteur (9 mois-1ans). À cette étape, l’enfant n’a pas l’intention de représenter quelque chose. Il agit pour constater les effets de son action et ce jeu fonctionnel est la source d’une première évolution. Les premières traces sont des va-et-vient de gauche à trois autour de l’axe du tronc. Puis le mouvement de retour est supprimé, l’enfant est capable de tracer des lignes. Apparaissent ensuite des boucles, des traits ondulés, en dents de scie. Ce type de traits apparaît au moment où l’enfant est intéressé par l’écriture et il se montre très content d’imiter cette conduite des adultes.

 

La naissance de la forme

Progressivement, l’enfant ne se contente plus de constater l’apparition des traits et se montre capable de les contrôler. L’œil qui commençait par suivre le geste de la main, finit par le guider. Les tracés répondent alors à une intention : remplir l’espace, entrelacer les lignes, enchaîner les courbes. Il devient possible de contrôler le point de départ et l’arrivée. Progressivement, des formes mieux définies apparaissent : ovales, cercles, rectangles ou triangles. Ces formes sont utilisées pour représenter l’objet. Mais les premières tentatives de représentation sont des échecs : les parties de l’objet sont séparées dans l’espace car l’enfant n’a pas encore pu établir de forme-synthèse. Cette recherche de la forme, à son tour, modifie le trait qui doit l’exprimer. À ce stade, si l’intention de représenter des objets est claire, la figure reste maladroite. Pourtant, cet échec échappe à l’enfant. La pensée ne lui permet pas encore se détacher de son tracé pour comparer les similitudes et les différences entre l’image et son modèle.

 

Schématisation

Les premiers dessins de bonhomme et de maison sont très simples. Ce n’est pas le résultat de la sélection par l’enfant de leurs caractères essentiels, ainsi que le pensait Luquet, car l’attention à cet âge n’est pas encore capable de sélectionner parmi les données de la perception. La forme dessinée par l’enfant est très simple car elle est le produit de la rencontre entre les habitudes graphiques de l’enfant et la forme réelle de l’objet. Le dessin procède de deux ensembles de connexions : les connexions forme-graphisme et les connexions forme-objet. Les connexions forme-graphisme désignent les capacités grapho-motrices de l’enfant, en particulier le contrôle main-œil (capacités d’organisation dans l’espace) et le répertoire graphique (ensemble de lignes et de formes que l’enfant est capable de tracer). Les connexions forme-objet recouvrent les capacités attentionnelles et perceptives de l’enfant. L’insuffisance de ces connexions génère une stylisation de l’objet. C’est un type indifférencié : la maison par exemple qui se diversifiera graduellement pour représenter la variété des habitations.

 

De la forme à l’objet-modèle

En s’exerçant, l’enfant parvient à réaliser les synthèses fonctionnelles qui sont indispensables pour le dessin. Ces synthèses opèrent à tous les niveaux : moteur, perceptif, intellectuel. La prépondérance des unes et des autres, la manière dont elles se combinent détermine la personnalité du dessinateur et de sa production. L’enfant doit soumettre ses essais à différents contrôles pour déterminer si l’analogie avec le modèle lui convient. Pour représenter les objets, il crée des stéréotypes qui sont des intermédiaires entre le graphisme pur et la copie du modèle. Stéréotype signifie emprunte solide en grec. En effet, chez le dessinateur, le stéréotype est un point de départ, une base solide, pour une variété d’interprétation du réel.